On m’appelle éthique ?

Je définis la morale humaine

Je suis ce qui doit rendre les personnes sereines

Je suis le chemin qu’on impose

Même si les humeurs sont moroses

Je montre la voie à tous les bienheureux

Dont les cœurs battent et qui ouvrent les yeux

Je vous offre la liberté

 À vous, qui vivez en société

J’impose un cadre pour les esprits

Qu’ils ne s’éloignent pas trop des lois établies !

Je protège les vies

Des plus faibles comme des meilleurs partis

Je donne l’égalité

À tous ceux qui ont la chance d’exister

Je guide les hommes dans ce monde

Quand ils ne décident de quitter la ronde

Je suis LA loi

Celle qui dirige et qui bat

Dans toutes les âmes qui s’affairent

Qui peuplent notre Terre

Je suis la Vérité

Qui n’accepte aucune contrariété

Je suis un produit de l’humanité

Par quelques hommes, édicté

On m’appelle éthique ?

Et pourtant, que ne suis-je dramatique !

On me nomme à tout bout de champ

Pour légitimer, même le plus aberrant

On m’invoque

Peu importe que ce soit équivoque !

On me met en première ligne

Et bien des fois, l’inacceptable, je signe

En mon nom, les hommes s’expriment

Ils ne se réfèrent qu’à quelques lignes

Choisissent à dessein

Ce qui convient le mieux à leur propre faim

Les mots et leurs choix ne sont pas inspirés

Par leur grande humanité

Ils me citent avec déférence

Alors qu’en leur âme et conscience

Ils respirent la suffisance

Et matent leur prochaine redevance

Avides et cupides

Au nom d’une surprenante éthique !

On m’implore pour tromper

Et insuffler la culpabilité

On gagne du temps

Pour mettre un maximum d’argent

Dans des poches déjà bien remplies

Quand arrive le prix

Ce ne sont pas eux qui paieront l’addition

Bien à l’abri avec la récolte de la rançon

Gagnée à la sueur de leurs mensonges

Non, tout ceci n’est pas un mauvais songe !

On fait appel à moi

Pour autoriser de nouvelles lois

Et restreindre la liberté

Bien que des hommes aient trépassés

Des êtres d’exception

Qui se sont battus pour abolir les exactions

Et qui l’ont payé de leur vie

Ils nous ont livré un monde en sursis

Pauvres d’eux qui ont eu foi

En l’être humain une nouvelle fois

Le monde d’aujourd’hui

Prouve qu’ils n’ont pas réussi

Les valeurs s’étiolent, se dispersent

Dans d’absurdes controverses

À chacun sa conception

De la justice, de la justesse, de la compassion

Sous le règne du veau d’or

Seul compte le trésor

Amassé sous mon nom

Éthique, ai-je encore un certain renom ?

Je préfère me taire

Devenir une chimère

Qui fut un temps

Il y a longtemps

On m’appelle éthique ?

Appelez-moi plutôt calomnie cynique

Je ne suis plus qu’utopique

Un sens moral anachronique

Floriane Reboh auteure ®